𑀧𑀸𑀡𑀸𑀢𑀺𑀧𑀸𑀢𑀸 𑀯𑁂𑀭𑀫𑀡𑀻 𑀲𑀺𑀓𑁆𑀔𑀸𑀧𑀤𑀁𑀲𑀫𑀸𑀤𑀺𑀬𑀸𑀫𑀺

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Les défauts innés et acquis chez nos enfants.

Comme la mère est le premier instituteur de ses enfants, comme c'est elle qui reçoit les premiers signes de leur intelligence, qui répond à leurs premières demandes, qui satisfait à leurs premiers besoins, c'est à elle qu'appartient la direction des premières impressions morales. En les dirigeant mal ou par une tendresse mal entendue, ou par ignorance, elle prépare ordinairement bien de la peine à ceux qu'elle charge ensuite de réparer ses fautes, et qui souvent ne peuvent y parvenir avec la meilleure volonté du monde, ou parce qu'ils ne sont pas convenablement secondés et qu'on détruit d'un côté ce qu'ils font de l'autre, ou parce que les défauts sont trop enracinés.

Mais, dira-t-on, faut-il rejeter tout le mal sur le compte des parents et des instituteurs? Ne comptez-vous pour rien ces vices que les enfants semblent apporter en naissant? ces caractères tellement vicieux qu'ils paraissent nés pour être le fléau de la société et sur lesquels tous les soins possibles sont vains? Ne voit-on pas tous les jours des enfants élevés avec les plus grands soins, qui n'ont jamais quitté leurs parents et qui ont cependant les plus funestes dispositions; d'autres, au contraire, qui résistent aux mauvais exemples dont ils sont entourés? N'est-il pas évident d'après cela que la nature a souvent la plus grande part dans cette circonstance? D'ailleurs, sans disconvenir de la nécessité d'employer tous les moyens propres à former le moral des enfants, il faut avouer qu'il est bien des défauts qui passent avec l'âge, et que l'influence presque indéfinie que vous attribuez aux impressions n’a pas toujours pour l'avenir des suites aussi funestes que vous le pensez. Tels sont les raisonnements que l'on m'a quelquefois opposés; je vais essayer d'y répondre.

Il est certain qu'il y a des défauts qui passent avec l'âge; ce n’est cependant pas une raison pour les tolérer; car, bien qu'ils aient de moindres conséquences, ils peuvent conduire à des vices plus graves en donnant plus facilement accès à des impressions dangereuses. Les vices se servent mutuellement de base comme les idées; ceux qui flattent nos passions ou notre amour-propre, loin de se perdre se fortifient par l’âge, et s'ils sont moins apparents, c'est que la raison a appris l'art de les cacher et souvent de les couvrir d'un voile séduisant. Si l'on scrutait toutes les actions des hommes, même de ceux qui passent dans le monde pour d'honnêtes gens, on verrait combien de fois ils ont appelé à leur aide la fausseté, la mauvaise foi, le mensonge, l'hypocrisies; combien de fois l'orgueil et la présomption les ont dominés; combien de fois, pour satisfaire leur amour-propre ou leurs passions ils ont été entraînés à des actions basses et méprisables, et combien de fois ce même amour-propre a nui à leurs intérêts. C’est une grande absurdité de regarder les défauts des enfants comme de peu de conséquence, parce que les circonstances dans lesquelles ils les développent sont peu importantes. Les enfants ont une sphère dont ils ne peuvent sortir; parce qu'ils n'ont point encore ces relations qui donnent lieu pour nous à des affaires sérieuses; ils ne peuvent donc les développer que dans ce que nous appelons des enfantillages. Mais si nous entrons dans cette petite sphère, nous verrons que ces enfantillages sont des affaires à leurs yeux, et tel qui s'exerce à tromper pour un pensum ou qui réussit à signer un faux billet de conduite, saura aussi plus tard en faire des applications sérieuses. C'est ensuite dans la jeunesse, quand ces vices ont pris de profondes racines; c'est quand les passions se développent avec énergie qu'on enseigne la morale; qu'on prêche une vaine théorie qui contrarie les penchants; le mal est fait et souvent il est sans remède.

Il est, dit-on, des êtres chez lesquels le vice semble inné. En supposant que cette opinion fût vraie, ce ne serait pas une raison pour les négliger plus qu'on ne le fait pour un malade que l'on croirait incurable. Sans doute, il y a des dispositions qui sont réellement innées; celles qui tiennent au tempérament; telles sont la vivacité, la lenteur, la colère, le sang-froid, la légèreté ou la profondeur des idées. Ces dispositions tiennent à la constitution; on naît avec un tempéramont qui nous porte à la lenteur ou à la vivacité, à la réflexion ou à l'étourderie, comme on nait fort ou faible, beau ou laid. Ces variétés ont souvent pour cause le climat qui exerce son influence sur la mère avant la naissance de l'enfant, et par là sur les dispositions physiques et morales d'une nation entière. Ces diverses natures de tempérament, que l'éducation peut cependant modifier, rendent l'enfant plus ou moins propre à recevoir ou à conserver telle ou telle impression étrangère. Comme tout ce qui entoure l'enfant, toutes les actions dont il est le témoin ou l'objet, font impression sur lui dès l'instant où il voit le jour; il est clair que si ces impressions sont de nature à le corrompre, il paraîtra naitre avec des dispositions vicieuses. Telle est la raison qui à pu faire croire à ces vices innés. Ce qui a pu accréditer encore cette opinion, c'est que certains enfants, quoiqu'entourés constamment de mauvais exemples, deviennent cependant de bons sujets; cela tient à ce que, par la nature de leur tempérament, ils sont moins susceptibles de recevoir les impressions du climat moral dans lequel ils se trouvent, comme il en est chez lesquels le climat physique ou les impressions atmosphériques portent plus ou moins préjudice à la santé.

Je conclus donc des observations précédentes, qu'on ne naît ni vertueux, ni vicieux, mais plus ou moins disposé à recevoir et à conserver les impressions propres à développer les vices ou les vertus; comme on ne naît point avec telle science on tel art, mais avec une organisation propre à recevoir facilement les impressions qui peuvent les développer en nous. Sans porter ici aucun jugement sur le système du docteur Gall, il me semble néanmoins qu'il ne peut pas plus prétendre qu'un enfant vienne au monde avec une vertu ou un vice acquis, qu'il ne peut raisonnablement dire qu'il apporte en naissant la connaissance de la musique par exemple, quoiqu'il naisse avec une organisation qui le rende plus où moins susceptible de l'acquérir facilement.

On voit donc qu'il dépend des parents d'entourer l'enfant dès sa naissance d'impressions salutaires pour son esprit et son coeur et d'éviter toutes celles qui peuvent être nuisibles, comme on évite de le laisser en mauvais air. Voilà le secret de la véritable éducation morale. Le talent dans cette partie consiste, comme je l'ai dit, à savoir parfaitement apprécier l'effet de toutes les impressions sur les enfants et à savoir diriger les circonstances qui peuvent les produire. Personne, je crois, ne peut nier la vérité de ce point, quelle que soit d'ailleurs son opinion sur la cause première des qualités morales. Or, qu'on examine l'intérieur des familles et que l'on calcule la multitude d'impressions fâcheuses que les enfants sont souvent dans le cas d'y recevoir depuis le berceau, soit par la faiblesse maternelle, soit par les mauvais exemples et les mauvais conseils des domestiques, soit par une foule d'autres circonstances; que l'on examine ensuite l'organisation de la plupart des maisons d'éducation et la multitude infinie d'impressions pernicieuses qui résultent ou de cette organisation même, ou de l'impéritie, de l'ignorance, de la brutalité des gens que l’on emploie pour concourir à l'éducation; de cette foule d'employés subalternes qui sortant de leur village¹ croient savoir élever des hommes et en faire des citoyens distingués, parce qu'ils savent un peu de latin; sans compter les fréquentations dangereuses et surtout les moeurs dépravées qui y sont ordinairement le résultat de la négligence ou de l'imprévoyance et qui y font les ravages les plus terribles. Doit-on s'étonner que des impressions aussi nombreuses et aussi long-temps ressenties soient profondes? Doit-on s'étonner d'en trouver d'ineffaçables, quand elles ont été reçues avec la vie? Il en résulte nécessairement des habitudes tellement enracinées, qu’elles font pour ainsi dire partie de l'existence et qu'on ne peut pas plus s'empêcher alors de se livrer à ses penchants qu'un ivrogne ne peut se passer de boire.